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nicolas sarkozy - Page 3

  • Le pourrissement, jusqu'où ?

    Faisons, à regret, un pronostic : l'affaire Strauss-Kahn risque de pourrir jusqu'au bout la présidentielle, et singulièrement la campagne des socialistes. Trois jours après que la Première secrétaire du PS DSK, Martine Aubry, Nicolas Sarkozy(1) se soit déclarée officiellement candidate pour la primaire, des informations publiées par un grand journal américain mettait en avant les contradictions voire les mensonges de la femme de chambre qui accuse DSK de viol. Sur la base de quoi le procureur libérait l'ex-directeur général du FMI sans pour autant abandonner (pour l'instant?) les charges qui sont retenues contre lui.

    Trois raisons expliquent, à mon sens, pourquoi cette affaire trouble va pourrir la vie politique. D'abord, et cela saute aux yeux de tout le monde, le calendrier judiciaire de M. Strauss-Kahn entrechoque celui de la primaire socialiste. Au moment (le 18 juillet) où le tribunal de New-York devra se prononcer sur la suite à donner aux accusations, tous les postulants à cette primaire auront dû se faire connaître. D'où la demande de quelques strauss-kahniens, un peu exaltés, de reporter la clôture des candidats. Proposition idiote car comment caler un processus collectif, vivement attaqué par la direction de l'UMP et compliqué à mettre en oeuvre dans de nombreux départements, sur un destin individuel, aussi exceptionnel soit-il?

    Comment penser que DSK, si tant est qu'il soit lavé de tout soupçon (faut-il le rappeler, nous en sommes encore loin) se déclare, dans la foulée, candidat à la primaire, arrive à obtenir le retrait de Martine Aubry et obtienne un vote majoritaire du million de Français qui pourrait se déplacer en octobre ? Serait-ce d'ailleurs souhaitable ? La campagne de l'UMP en serait facilitée puisque le sexe à gogo et l'argent à profusion de l'ancien député-maire de... Sarcelles seraient brocardés par une droite qui se redécouvrirait morale. Et puis, il est à parier que la campagne se cristallise, au sein de l'électorat de gauche, non sur les propositions du socialiste DSK, mais sur la vie privée de l'homme et sa « consommation » de femmes (n'oublions pas que plusieurs témoignages, difficilement contestables, l'ont présenté autrement que sous les traits du latin lover qui plait tant dans nos contrées méditerranéennes). Sauf à considérer que certains socialistes sont plus importants que d'autres, et que -curieux argument – seul DSK peut battre Sarkozy, il faut banaliser l'affaire DSK, la laisser aux mains de la justice américaine et reparler politique.

    Deuxième raison de ce pourrissement prévisible de la vie politique : la place prise par les révélations sur la vie privée. Je ne suis pas de ceux qui s'offusquent quand on met en cause tel homme qui ne fait pas que tripoter des pieds ou tel autre qui confond un peu trop les caisses de l'Etat et ses propres comptes en banque. Je me demande simplement s'il ne faudrait pas rétablir un peu de hiérarchie de l'info. Cette semaine, par exemple, le chômage (on parle des chiffres officiels dont le calcul est hautement critiquable) est reparti de plus belle. Cela a fait quelques petits titres, mais rien à côté de l'agression, exceptionnelle mais de faible gravité, du Président de la République. Qu'est-ce qui impacte le plus le quotidien des gens ? Un mauvais geste d'un « pov'con » (comme aurait dit, en d'autres temps, sa victime) ou la perte de milliers d'emplois ? Bien entendu, pour savoir le traumatisme d'une situation de chômage, il faut l'avoir vécu dans sa chair ou dans son entourage proche... Les tweets, le buzz sur la Toile et autres inventions, par certains côtés, géniales peuvent-elles porter du débat politique? J'en doute énormément. Le pire est, sans doute, à venir...

    Troisième raison de ce pourrissement possible : le peuple français est de plus en plus réceptif à un discours qui ridiculise la politique puisque celle-ci salirait, serait source de corruption et, finalement, ne servirait pas à grand-chose. Si l'affaire DSK a passionné tant les Français à la fin du printemps, c'est qu'il est de plus en plus sensible à la dimension « trou de la serrure ». Comme la politique a perdu toute majesté, que beaucoup de promesses (du candidat Sarkozy, mais on pourrait parler des deux Présidents précédents pas vraiment exemplaires) sont enterrées après la prise du pouvoir, elle est banalisée comme une vulgaire émission de telé-réalité. Qui a couché avec qui ?, va devenir le jeu très à la mode. Il faut dire que les fréquentes liaisons sexuelles, conjugales ou non, entre politiques et journalistes très en vue, n'incitent guère, dans l'esprit du public, à séparer vie publique et vie privée.

    Après quatre années de présidence Sarkozy, marquées par le triomphe du vulgaire et par l'absence de tout scrupule, la société française hésite entre délectation et écoeurement face à cet étalage. L'actuel Président et futur candidat pourrait en jouer, et c'est peut-être sa seule chance d'éviter la débâcle (car comment s'appuyer sur un bilan aussi maigre?). A la gauche, si elle ne veut pas décevoir une fois encore, d'oublier un peu DSK (il se défendra bien tout seul) et de s'intéresser à ce qu'elle n'aurait jamais dû quitter des yeux : la situation du peuple qui, comme dirait l'autre, a beaucoup souffert et veut plus ne plus souffrir (en tout cas un peu moins).

    (1) Il faudra suggérer à Mme Aubry de conserver son sang-froid, surtout si elle représente l'opposition à M. Sarkozy. Comment parler de « fin du cauchemar » pour DSK alors que l'affaire n'est pas close ? Le terme de cauchemar, cette semaine, sonnait bizzarement: il pouvait s'appliquer aux 18 mois de captivité des otages en Afghanistan, à la situation de ce peuple pris entre les forces occidentales et les talibans, sans oublier, par exemple, la répression intense de la révolte du peuple syrienne... pas à la situation d'un prisonnier de luxe, ne manquant de rien et surtout pas du soutien de ses amis...

  • DSK : drôles de commentaires pour une triste affaire

    En parler ? Se taire ? Ecrire ? Qu’écrire, tellement nous avons été submergés ces derniers jours par un déluge d’images, de déclarations et d’émotions ? Comment rester de marbre face à une Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry, nicolas sarkozyaffaire qui monopolise toutes les attentions, qui alimente toutes les discussions en famille et les conversations de bistro? Alors, en parler, mais pour dire quoi? Essayons juste de proposer quelques éclairages avec le souci de dire ce qui nous semble juste, sans souci du politiquement correct mais sans volonté non plus de salir.

    Quand on me demande si je suis surpris par cette affaire, je réponds en général par la négative. Je ne m'y attendais pas au sens où je ne guettais pas la défaillance de cet homme, mais je ne suis pas franchement surpris. Depuis des années, j'entends, de la bouche de confrères ou de politiques, des allusions, plus ou moins précises, sur les démarches pressantes de l'ancien ministre des Finances envers les femmes, si possible jeunes et jolies. On m'avait ainsi raconté que, pendant ses conférences de presse à Bercy, il était coutumier de faire passer par l'entremise d'un de ses hommes de main – dont on a beaucoup parlé ces derniers temps – des messages adressés à des journalistes femmes, pas forcément les plus moches, pour leur proposer une entrevue en tête à tête au sortir de la conférence de presse. Cela n'en fait pas, pour autant, un violeur, mais cela indique un désir de séduire quasi-compulsif. Plus embêtant pour lui, les témoignages d'une jeune écrivain-journaliste qui l'accuse d'avoir cherché à la violer en 2002 ou celui, plus récent, de la députée PS Aurélie Filippetti envers qui DSK aurait eu des gestes déplacés. Embêtant également, la crainte qu'avait certains rédacteurs en chef à envoyer seule une jeune journaliste pour interviewer cet homme politique. S'agit-il simplement de don-juanisme dont a tendance, sous nos latitudes latines, à affubler tout séducteur même très lourd ?

    Quand j'ai entendu les cris d'orfraie de certains de ses proches – sans oublier la saillie inqualifiable de Jack Lang « y'a pas mort d'homme » -, je me suis dit que ces gens-là se moquaient du monde. Ils savaient que DSK était suspendu à un fil, lié à sa frénésie de sexe, et qu'il pouvait tomber à l'occasion de l'un de ses dérapages. Certes, de façon peu probable en France où l'on a l'habitude d'étouffer telle ou telle sale affaire, moyennant un gentil chèque et/ou de méchantes pressions, mais peut-être dans un pays comme les Etats-Unis où l'on ne rigole avec ce genre de comportements, sans se préoccuper de la position sociale de l'homme incriminé. Souvenons-nous tout de même des ennuis considérables qu'a eus Bill Clinton au sujet d'une liaison consentie avec une stagiaire de la Maison blanche...

    Les proches de DSK savaient que leur protégé était, de ce point-là, un candidat fragile pour la présidentielle, d'autant que Sarkozy ne s'était pas privé de claironner qu'il avait un dossier lourd sur le directeur général du FMI. D'une certaine manière, il vaut mieux que cette triste affaire survienne aujourd'hui avant le lancement des primaires socialistes... Sinon, à quelle campagne aurions-nous pu assister, tellement il est peu probable qu'en la matière, le camp UMP fasse dans la retenue?

    L'autre point qui m'a stupéfait, c'est le dédain affichée pour la présumée victime de DSK. Il a fallu attendre la déclaration sobre de Martine Aubry mardi dernier, pour qu'elle soit citée de façon tout à fait respectueuse. Dans notre pays qui a la passion de l'égalité (dans les discours du moins), on a suggéré qu'une modeste femme de ménage, a fortiori une immigrée africaine vivant dans un immeuble sordide (on ne nous a rien épargné depuis quelques jours) ne pouvait pas détruire la carrière d'un homme aussi puissant que Dominique Strauss-Kahn si elle n'avait pas été envoyée ou payée par d'autres. Et chacun d'y aller dans ses commentaires sur les invraisemblances des faits, tels qu'ils sont rapportés par la presse ou les (puissants) avocats de l'accusé – alors que personne ne connait le fond du dossier dans ses détails et que l'enquête ne fait que commencer.

    Mon propos n'est pas de dire que DSK est forcément coupable parce qu'il est riche, puissant et de gauche. Il est juste d'en appeler à un peu plus de retenue et de ne pas mettre en cause d'office le propos de cette femme, au motif qu'elle serait forcément vénale, manipulable et peu fiable parce que femme de ménage. Cela me rappelle un peu trop le doute qui entoure si souvent les plaintes des femmes battues ou violées, même dans les commissariats. Quand on connait leur compagnon ou mari, surtout s'il est issu de milieux bien éduqués, certains se disent facilement que cela ne lui ressemble pas, qu'il ne peut faire cela. Et bien justement, ce type de violence et de comportement concerne tous les milieux sociaux et toutes les cultures. Le vecteur qui déclenche le passage à l'acte est d'ordre intime et peut difficilement se discerner à l'oeil nu. D'où le ridicule des commentaires entendus ici ou là, témoin d'un mépris de classe et/ou d'une méconnaissance crasse des mécanismes psychologiques à l'oeuvre sous toutes les latitudes.

    Dernier commentaire relatif au monde de la presse. Celui-ci étant au courant des comportements plus que limite de DSK, devait-il enquêter et révéler les débordements de celui-ci? On connait le refrain entonné par beaucoup de confrères respectables, comme Le Canard enchaîné, pour qui il faut préserver la vie privée de tout un chacun, y compris des puissants, et ne pas céder à la spirale régressive de la presse-caniveau qui sévirait outre-Manche et outre-Atlantique. Certes, mais on remarquera que certains titres ont moins d'égards pour le respect de la vie privée de jeunes ou moins jeunes qui habitent des quartiers dégradés ou qui portent des noms-pas-très-catholiques.

    Non, ce qui en jeu, ce n'est pas la fréquentation de boites à partouze ou les nombreuses conquêtes de tel ou tel, mais des comportements d'abus de pouvoir où grâce à une autorité hiérarchique, intellectuelle ou politique, on obtient les faveurs d'une femme (ou d'un homme) qu'on n'aurait pas eues autrement. Cela s'appelle, qu'on le veuille ou non, du harcèlement et c'est vraiment la question qui est posée au monde politique à la suite de cette ténébreuse affaire DSK qui va sans doute prendre la forme d'un feuilleton, palpitant et écoeurant. 

  • Quatre leçons pour un scrutin à oublier

    Le second tour des élections cantonales a finalement confirmé, dans ses grandes lignes, le premier. La divine surprise espérée par la droite, pour faire oublier ses résultats calamiteux du 20 mars, n'a pas été au rendez-vous. Malgré l'implantation, parfois ancienne, de ses candidats, malgré un scrutin cantonales,marine le pen,nicolas sarkozy,martine aubry,cécile duflot,jean-luc mélenchonqui favorise (favorisait?) les notables locaux, la droite a dû abandonné entre deux et quatre départements (la Loire et la Savoie ont encore une issue incertaine) sans compter deux départements d'Outre-mer alors que l'UMP reprend un seul département (le Val d'Oise) en raison de la division locale, là où voici peu Dominique Strauss-Kahn faisait la pluie et le beau temps.

    Au regard de ces deux dimanches (faiblement) électoraux, quels enseignements tirer dans la perspective du scrutin majeur à venir, la présidentielle de 2012?

    1/ Le mode d'élection des conseillers généraux est complètement désuet.

    Rien n'a changé fondamentalement depuis la IIIe République qui avait fait du département le niveau de consolidation du pouvoir républicain, encore fragile, avec la figure centrale du préfet. Le conseil général était alors chargé de relayer le message républicain en échange d'une reconnaissacantonales,marine le pen,nicolas sarkozy,martine aubry,cécile duflot,jean-luc mélenchonnce toute symbolique. La France était alors majoritairement rurale, avec une forte stabilité géographique et des réseaux familiaux très puissants. Voilà pourquoi des dynasties, radicales, conservatrices, se succédaient pendant des décennies. Mais avec la décentralisation, la montée du fait urbain, les profondes transformations sociologiques liées aux Trente Glorieuses puis à la crise destructrice, la figure du canton a perdu beaucoup de signification pour les moins de 60 ans. S'est superposé à cela la montée de l'intercommunalité qui a encore brouillé la lisibilité du rôle du conseiller général puisque sa circonscription correspond rarement aux limites des communautés de commune, et a fortiori d'agglomération. Aujourd'hui, nous avons deux fois sur trois des conseillers généraux inconnus des électeurs, désignés par moins de 15 % de ceux-ci (pour un élu à 52 % avec 30 à 35 % de participation). Il fallait modifier ce mode de scrutin complètement décalé avec le XXIe siècle, pas forcément en en finissant avec le département, comme l'avait souhaité la commission Attali (car le département joue un rôle utile en matière sociale, notamment). Deux pistes de réforme étaient envisageables. La première consistait à s'inspirer du mode scrutin des municipales dans les communes de plus de 3500 habitants : une élection à la proportionnelle avec une prime majoritaire à la liste arrivée en tête. L'autre, plus audacieuse, serait de prendre appui sur les structures intercommunales qui maillent maintenant tout le territoire, pour désigner des représentants au conseil départemental. Chaque scénario présente un inconvénient majeur: le premier de donner la part belle aux partis et aux logiques d'appareil ; le second de s'appuyer sur des structures encore jeunes dont la légitimité démocratique est contestable (puisque les élus de ces structures ne sont pas désignés directement par les électeurs). Au lieu de cela, le gouvernement a choisi une solution technocratique qui n'est pas gage de clarification avec un conseiller territorial, élu dans le cadre de super-canton qui siégera à la région et au département. C'est une façon de légitimer le cumul des mandats et surtout cela fragilise la vie des deux collectivités, notamment la région, puisque les élus seront plus porteurs des intérêts de leur petit territoire que du grand. Mais la gauche qui n'a su faire évoluer le système (pour ne pas mécontenter son réseau d'élus?) est mal placée pour critiquer, car l'anachronisme ne pouvait perdurer longtemps.

    2/ La droite est dans le pétrin et ne sait comment en sortir.

    Comme je l'ai expliqué ici dans mon précédent post, sa stratégie est maintenant guidée par la peur. Peur de se fairecantonales,marine le pen,nicolas sarkozy,martine aubry,cécile duflot,jean-luc mélenchon éliminer du second tour de la présidentielle; peur d'être accusé de « mollesse » par le FN sur les questions de sécurité et d'identité nationale (d'où les nouveaux dérapages verbaux du bien peu inspiré Claude Guéant) ; peur de se faire rappeler ses promesses non tenues de 2007 notamment sur le pouvoir d'achat et la valorisation du travail.

    L'entre deux-tours a laissé apparaître les failles qui s'élargissent dans la majorité présidentielle. La consigne du « ni-ni » (ni FN, ni front républicain) a été très peu suivie par l'électorat dans le cas de duels FN – gauche. Selon une enquête Ipsos réalisée avant le second tour (citée par Le Monde dans son édition du 29 mars), plus de la moitié des électeurs UMP n'ont pas respecté la consigne de la direction nationale, deux tiers d'entre eux annonçant voter pour la gauche, un tiers pour l'extrême droite. La volonté de se faire bien voir des électeurs de « Marine » n'a pas non plus été payante car , dans le cas de duels gauche-droite, la plupart d'entre eux ont refusé de choisir. Désobéissance par rapport à la consigne Copé/Sarkozy et dédain des électeurs FN pour les candidats UMP... l'addition est salée pour la droite présidentielle qui ne sait plus à quel saint se vouer. Dans son fief des Hauts-de-Seine, deux divers droite, à Neuilly et à Levallois-Perret, l'emportent sur des sarkozystes pur jus, notamment dans le canton détenu naguère par Nicolas Sarkozy. Même si beaucoup se demandent tout bas si le président sortant ne les emmène pas au casse-pipe électoral, ils ne seront pas très nombreux à faire état de leurs doutes. Et la comédie du pouvoir va continuer avec le slogan qu'aimait tant l'ancien premier ministre Alain Juppé: « droit dans les bottes! ».

     

    3/ Le FN s'ancre profondément dans le pays.

    Tous les médias ont parlé de déception pour le FN qui comptait engranger une dizaine de conseillers généraux et n'en récolte que deux. Effet d'optique car l'enjeu pour ce parti était marginalement le nombre de ses élus, plus sûrement sa capacité à perturber le jeu traditionnel. Encantonales,marine le pen,nicolas sarkozy,martine aubry,cécile duflot,jean-luc mélenchon se qualifiant pour le second tour dans 400 cantons et en rendant chèvre l'UMP sur l'attitude à adopter à son égard, Marine Le Pen a dominé le jeu électoral. Les résultats du second tour, même s'ils ont pu décevoir les leaders du FN – et rassurer les démocrates – doivent être regardés attentivement. Du premier au second tour, ses candidats ont gagné près de 300 000 voix alors même que la participation a faiblement progressé. Cela veut dire que le FN a des réserves de voix et peut encore progresser. Un sondage publié dans la dernière édition de Marianne sur les abstentionnistes indiquait qu'environ un tiers d'entre eux, s'ils se déplaçaient, pourraient voter pour le FN (contre environ 15% pour l'extrême gauche et le reste pour les partis de gouvernement). Pour la première fois de sa déjà longue histoire, le FN mord sur le coeur du monde du travail, à travers quelques responsables syndicaux locaux (CGT, CFTC, CFDT et même Sud) qui ont pris le dossard FN pour ce scrutin. Cela était totalement inimaginable voici une dizaine d'années car le FN apparaissait alors comme un parti pro-patronal. Dans une France qui se déchaîne contre les privilégiés du CAC-40, qui voue aux gémonies les banquiers et le monde de l'argent, Marine Le Pen apparaît être un espoir pour une fraction non négligeable qui reste sur le bas côté de la mondialisation. Non pas pour qu'elle assume des fonctions politiques de premier plan (qui y croit vraiment?) mais pour qu'elle « foute la frousse à ceux d'en-haut ». La fracture élite/peuple qui était apparue clairement lors du référendum européen de 2005 s'accentue, et même si le Front de gauche récolte quelques dividendes, c'est d'abord le FN qui en fait son beurre. A refuser de voir cette réalité en face, la classe politique se condamne à des gueules de bois à répétition.

    4/ La gauche l'emporte, mais risque l'éparpillement.

    Les formations de gauche, à l'exception des écologistes plutôt euphoriques avec le doublement de leurs élus et le triomphe électoral dans le Bade-Wurtemberg, sont restés calmes devant l'effondrement de la droite. D'une part, parce que les conquêtes espérées, notamment dans la Sarthe de François Fillon ou le Rhône de Michel Mercier, ne sont pas au rendez-vous. Ensuite, parce que le FN taille des croupières dans l'électorat de gauche dont une partie doute réellement de la capacité de la gauche de gouvernement à lui redonner espoir. Enfin, et cette donnée a été peu soulignée par les observateurs, parce que ses fiefs traditionnels sont contestés de plus en plus ouvertement. Dans les Bouches-du-Rhône, dans le Nord, dans l'Aude ou ailleurs, le vieux socialisme, volontiers clientéliste, parfois affairiste, est lui aussi décalé avec les aspirations profondes de l'électorat. D'où la perte de sièges ici ou là qui devraient pousser les appareils à renouveler leur personnel et leurs pratiques. Il en sera sans doute rien tellement les élus locaux dans les grandes fédérations vont être choyés dans la campagne pour les primaires qui démarrent au lendemain de ces cantonales, dont les résultats ne sont pas à la hauteur de l'effondrement de l'UMP.

    Europe écologie/les Verts a raison d'être satisfait de sa performance. La formation écologiste gagne des élus sur des terrains peu favorables historiquement à ses thèses (Haute-Vienne, Indre-et-Loire, Meurthe-et-Moselle...) et elle l'emporte dans un certain nombre de duels face à des sortants socialistes un peu usés. Pour autant, la greffe écologiste dont le drame japonais a accru la légitimité ne prend pas dans les territoires les plus fragiles. A l'exception de Sevran (en raison de la conversion écologiste du maire ex-PCF), les candidats écologistes ne sont pas jugés en phase avec les préoccupations d'un électorat très paupérisé. Même si la critique du « toujours plus consommer » pourrait avoir une résonance dans cette population étranglée par la vie chère et les crédits à la consommation, l'écologie apparaît comme un luxe de bobos, en tout cas de membres de la classe moyenne qui ne vivent dans la hantise des fins de mois difficiles. Quant au Front de gauche, ses bons résultats – avec la conservation de deux départements et la conquête de quelques sièges notamment dans le Massif central – sont difficiles à interpréter. S'agit-il d'un succès de la stratégie de radicalisation de la gauche de la gauche, initiée par Jean-Luc Mélenchon et suivie vaille que vaille par le PCF? Ou alors cela traduit-il la bonne implantation de certains élus communistescantonales,marine le pen,nicolas sarkozy,martine aubry,cécile duflot,jean-luc mélenchon qui savent se rendre utiles à la population? Sans doute un peu les deux.

    Toujours est-il que la gauche est plus fragmentée que jamais et qu'il sera bien difficile de construire une plate-forme commune sur des sujets aussi sensibles que le nucléaire, la construction européenne ou la question du pouvoir d'achat. Les mois qui arrivent ne vont pas être de tout repos pour les négociateurs des partis de gauche. Espérons simplement que Marine Le Pen, avec son discours simpliste et ses formules lapidaires, n'engrangent pas trop de soutiens pendant cette période où la gauche comme la droite vont chercher un leader et/ou un programme...

  • Les cantonales, le "coup de Munich" et 2012

    L'UMP est dans la seringue du Front national et ne sait pas comment en sortir. Le problème pour elle, c'est qu'elle s'y est mise toute seule. En deux phrases lapidaires, voilà comment on peut résumer la sitLe Pen fille.jpguation politique française au lendemain d'un premier tour d'élections cantonales calamiteux, au regard de l'abstention massive (plus de 55 % et parfois dans certains quartiers populaires de près des deux tiers) et de l'implantation des thèses de Marine Le Pen. Celle-ci dipose certes d'une présence militante du Front national encore limitée, mais dans n'importe quel canton, il lui suffisait de présenter un inconnu - jeune, vieux, homme, femme : aucune importance -, de l'affubler d'un portrait de la chef du FN pour rassembler à coup sûr 8 à 10 % et, si le terreau était fertile (délocalisations, quartiers sensibles abandonnés, frontières terrestres proches), multiplier le jackpot par deux ou trois.

    Dans cet entre-deux tours qui a du mal à passionner le pays, on se retrouve avec une situation très particulière: le FN sera présent dans près de 400 cantons, après avoir concouru dans 1440 cantons. Près d'une fois sur trois, le parti de Marine Le Pen se qualifie pour le second tour, avec parfois dix points d'avance sur l'autre candidat qualifié! Le plus drôle, si on peut dire, c'est que le relèvement du seuil pour être qualifié au second tour (12,5 % des inscrits au lieu de 10 %) décidé par l'UMP devait justement empêcher le FN d'être qualifié. Avec une si faible participation, les triangulaires sont devenues aussi rares que le nombre d'élus MoDem, mais les éliminés ne sont pas ceux qu'on croit.

    Sept fois sur dix, le porte-drapeau du FN sera confronté à un candidat de gauche (204 PS, 37 PCF, plus quelques divers). Ce qui signifie que dans plus de 250 cantons de la République, la droite présidentielle, qu'elle soit UMP tendance dure ou molle, centriste façon Nouveau Centre ou divers droite, ne sera pas représentée. Rayée de la carte, éliminée! Pour un parti qui entendait imiter les exemples anglais, allemand ou espagnol en formant un grand parti populaire, la déconvenue est violente.

    Alors maintenant que dire aux électeurs de droite orphelins de leur candidat pour leSarko 3.jpg second tour? A l'UMP, c'est la cacophonie. La ligne Copé/Sarkozy, suivie par l'essentiel de l'appareil, est finalement celle du candidat communiste Jacques Duclos en 1969 (cela ne nous rajeunit guère...) disant, à propos du duel Poher-Pompidou, avec son accent rocailleux : « Bonnet blanc et blanc bonnet! ». Mais là, l'affaire est plus compliquée car il ne s'agit pas de choisir entre un néo-gaulliste de droite et un néo-démocrate chrétien de centre-droit, mais entre un candidat de gauche et un candidat épousant, qu'il le veuille ou non, les théses de l'extrême droite.

    Si on comprend bien la position officielle, en tout cas élyséenne, c'est justement pour ne pas renforcer le FN qui dénonce une collusion entre l'UMP et le PS (parlant d'UMPS) qu'il ne faut pas appeler à voter pour le candidat de gauche. C'est donc pour conserver le pacte républicain qu'il faudrait tourner le dos au front républicain. L'argument peut séduire, mais est tout de même un peu spécieux et au final, dangereux. Une nouvelle fois, l'UMP fait le jeu du Front national puisqu'il se positionne sur son terrain. Depuis deux ans, le parti présidentiel a calé ses pas sur la marche du FN, en lançant ce calamiteux débat sur l'identité nationale puis en entonnant la nauséabonde dénonciation des Roms et des jeunes délinquants étrangers, et enfin en annonçant un fumeux débat sur l'islam (rebaptisé en catastrophe débat sur la laïcité). Voilà qu'il a peur de ses convictions, républicaines ose-t-on penser, pour ne pas chiffonner la grande blonde et ses électeurs remontés contre les trahisons du Président Sarkozy.

    En face de ce nouveau coup de Munich (en référence à la lâche trahison des démocraties occidentales devant les vociférations d'Hitler), quelques voix, celles de centristes (Borloo, Arthuis), de rares ex-chiraquiens (Pécresse) et du Premier ministre, tentent de faire entendre raison à la droite sarkozyste. Ils ont très peu de chances d'être entendu par un parti paralysé par la double peur des coups de menton de Marine Le Pen et des coups de poker permanents de son chef.

    La question qui est posée, mais que personne n'a le courage de soulever au sein de l'UMP se dessine encore plus nettement au regard de cette nouvelle bérézina électorale: le président sortant est-il le bon candidat pour la droite en 2012 si elle veut tout simplement ne pas être éliminé dès le premier tour et se retrouver à arbitrer un duel PS - FN? Si un tel scénario survenait (et le premier tour vient de confirmer que ce n'est pas simplement une lubie de sondeur...), il ferait éclater à coup sûr le parti qui se voulait, voici peu, majoritaire. C'est donc une opération survie pour la droite qui est engagée.

    Le choix du débat et de la démocratie interne qui a été méthodiquement écarté depuis le lancement de l'UMP (malgré la promesse d'un parti ouvert et pluraliste) est la seule voie possible pour une formation aux abois. Sans cette ouverture, le parti pourrait voir certains de ses membres, notamment dans les régions où le FN représente un électeur sur quatre, faire les yeux doux à la blonde de l'extrême droite soft et d'autres s'affranchir de la dérive droitière pour créer un pôle plus centriste. Ce débat nécessaire ne rendrait pas la politique du gouvernement plus populaire, ni lui ferait retrouver une cohérence incompatible avec l'instabilité chronique de notre Président, mais lui permettrait de retrouver la lucidité qui l'a quitté depuis belle lurette et d'examiner ses chances de survie en 2012. Il faut espérer pour l'UMP - et aussi pour le jeu démocratique - que François Fillon, après cette distanciation salutaire avec l'Elysée, n'en reste pas là face à l'autisme suicidaire des curieux conseillers de Nicolas Sarkozy.